Un trentenaire qui écrit une Autobiographie ? Mais pourquoi ?

Un trentenaire qui écrit une Autobiographie ? Mais pourquoi ?

Tous les jours quasiment, je suis amené à répondre à cette question. J’avoue ne pas être surpris. Car nous naissons et grandissons dans des environnements dans lesquels la réussite est considérée comme un aboutissement plutôt qu’un parcours : « On a réussi quand on possède tel trophée, telle voiture, telle fortune… ». Tout est normé et évalué au travers de critères socioculturels pesants et en totale dissonance avec la vision puriste du succès (selon laquelle réussir est une succession sans fins de petites et grandes choses). Ainsi, la société estime-t-elle – de façon générale – qu’il faut écrire son histoire une fois que les cheveux se parent d’une autre teinte, que la voix s’alourdit, ralentit et se casse, ou exceptionnellement plus tôt si et seulement si on s’appelle Zuckerberg ou Ma.Un peu comme si écrire était une activité à pratiquer quand l’on n’a plus grand-chose à faire ou à prouver. Cette idée rattachée à l’exercice qu’est la rédaction d’une autobiographie ne devrait aucunement flirter avec la génération nouvelle d’Africains dont je fais partie. Nous ne lisons pas assez, c’est connu. Allons-nous nous priver d’écrire également ? Et dans ce cas, qu’allons-nous demander aux nôtres de lire ? Notre histoire racontée par d’autres ?

Car jusqu’ici c’est bien ce que nous avons fait. Des histoires dépeignant nos grands rois, à celles décrivant l’esclavage et la colonisation, en passant par celles relatant l’évolution des sociétés, les codes et usages, la grande majorité des écrits traitant de notre continent est le fait d’autres peuples. Cela est quand même d’un paradoxe saisissant. Je me suis rendu compte, il y a quelques mois, que le problème était d’une amplitude abyssale : en effet, nous ne savons rien de notre histoire, si ce n’est ce que l’école et les livres occidentaux ont bien voulu nous enseigner. Comment se définir quand on ne se connait pas. L’identité que nous pensons être la nôtre n’est-elle pas usurpée, empruntée, dépigmentée ?

Comme je le dis dans mon nouvel ouvrage, « Jusqu’au bout, j’irai » : « Les Africains ont aujourd’hui la possibilité d’écrire leur propre Histoire ». Cette possibilité –qui est en fait un devoir- que nous offre l’ère actuelle est à embrasser furieusement pour créer notre « aujourd’hui » mais surtout pour impacter l’avenir du continent, celui de nos enfants, qui devraient lire ce qui est et non pas ce que l’on voudrait qu’ils croient. La démocratisation de l’information libre et participative est une aubaine pour le Black Continent. Il est donc impérieux que chacun d’entre nous contribue à écrire les pages de l’Afrique contemporaine.

 

Ecrire une autobiographie, ce n’est pas écrire ses mémoires. C’est simplement partager son expérience, sa vision, contribuer à enrichir la matière collective de sorte à inspirer, impacter la communauté. Nous avons besoin de lire des histoires d’ici. Gros gourmand de lecture, combien d’ouvrages dressant le parcours de Bill Gates, Steve Jobs, Bernard Arnault, Oprah Winfrey, Michael Jackson et autres grandes figures mondiales n’ai-je pas lus ? Mais toutes ces histoires – belles, tragiques, émouvantes, poignantes et pleines d’enseignements – sont décontextualisées. Les Africains ont besoin de lire des histoires qui leur parlent, qui leur ressemble ; de s’identifier à travers les récits qu’ils ingurgitent. Ils n’en seront que plus impactés.

J’ai alors décidé de jouer ma partition dans le concert de la Nouvelle Afrique, celle qui, consciente de son potentiel intrinsèque, sait qu’il faut créer de nouveaux repères pour ses populations. Nous avons la transmission orale, oui ! Mais ce n’est pas assez, ce n’est pas suffisamment fiable. Il urge que nous documentions nos travaux, nos parcours, nos combats. Ce n’est que sur cette fondation que l’on pourra bâtir solidement, extirpant des entrailles de chaque aventure, de la substance pour façonner les nouveaux desseins et sentiers de notre continent.

Un afro-optimiste passionné d’innovation et d’entrepreneuriat, qui est convaincu que ses échecs et ses succès peuvent constituer un terreau et un terrain fertile pour les autres.

Régis EZIN
Author: Régis EZIN

Cette publication a un commentaire

  1. Dossou-yovo Credo

    Le béninois et l’africain en général se détache peu à peu de son histoire. Si au collège les élèves se sentent contraints de lire tout ce qui a rapport à leurs origines, c’est d’autant plus normal qu’on assiste à ce genre de spectacle. La force d’un arbre réside dans celle de ces racines et en sa capacité à s’étendre. Une maison sans fondation un effondrement bien construit. Les bases ont été faussé. À-qui la faute ???
    Je ne prétends pas être un fan de la lecture. Je me fonds dans la masse. Je m’efforce. Mais la bible dit:<>. Et sans information, tu n’as accès à aucune opportunité. Alors pourquoi ne pas nous y mettre.

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